Des agents pathogènes fongiques tels qu'Aspergillus fumigatus possèdent un cycle de vie très complexe, permettant la génération de spores asexuées (conidies) qui aident le pathogène à se disséminer dans l'air et à être inhalé par les hôtes. Chez les hôtes sains, ils seront éliminés par le système immunitaire ; mais chez les hôtes vulnérables (par exemple, immunodéprimés), ils conduisent à une maladie mortelle, l’aspergillose pulmonaire. Dans des travaux publiés dans la revue PNAS, le groupe d'Antoine Loquet en collaboration avec l'équipe de Vishukumar Aimanianda de l'Institut Pasteur ont développé une nouvelle approche utilisant la spectroscopie de RMN du solide, afin de déterminer l'évolution de la paroi cellulaire de ces spores à l'échelle atomique lors de leur germination.

 

Comprendre l'organisation moléculaire à l'échelle atomique de la paroi cellulaire d'un pathogène reste un véritable défi technique, car elle est constituée de nombreuses biomolécules telles que des sucres, des protéines, des pigments et des lipides, certaines de ces molécules étant polymériques, qui sont souvent difficiles à identifier et à quantifier. De nombreuses approches analytiques modernes pour étudier ces parois cellulaires sont destructives, car elles nécessitent d'extraire sélectivement les biomolécules les constituant à l'aide de traitements chimiques, biochimiques ou enzymatiques. Ces approches restent cependant limitées pour étudier l'évolution du pathogène lors de son cycle de vie et comparer les différentes morphologies qu'il peut adopter. Des chercheurs du CBMN et de l'IECB, en collaboration avec l'Unité Mycologie Moléculaire de l'Institut Pasteur ont développé une nouvelle méthode s'appuyant sur la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) du solide afin de comprendre l'organisation moléculaire des spores fongiques du pathogène Aspergillus fumigatus lors de sa germination. Ces travaux de recherche ont bénéficié de l’accès à la plateforme nationale Infranalytics (CNRS FR2054)

 

Les chercheurs ont utilisé des techniques de RMN du solide afin de comparer la composition et l'abondance de polysaccharides tels que les glucanes et les chitines à trois stades morphologiques différents lors de leur germination d'A. fumigatus. Des méthodes exploitant la rotation à l'angle magique ont permis de mettre en évidence le rôle du sucre appelé galactosaminogalactane, synthétisé lors de la germination, ainsi que la détection de triglycérides mobiles. En combinant les données de RMN du solide permettant l'identification et la quantification des sucres avec des mesures d'accessibilité à la surface, des modèles d'organisation moléculaire de différents morphotypes d’A. fumigatus ont été proposés. Cette nouvelle méthodologie de RMN du solide est actuellement testée par les chercheurs sur d'autres pathogènes fongiques afin de comparer la structure de leurs parois cellulaires. L’action de composés antifongiques sur l'organisation de leur surface pourrait être également étudiée par cette méthode.

Reference:

Solid-state NMR molecular snapshots of Aspergillus fumigatus cell wall architecture during a conidial morphotype transition

Gaëlle Lamon, Alons Lends, Isabel Valsecchi, Sarah Sze Wah Wong, Vincent Duprès, Frank Lafont, James Tolchard, Christine Schmitt, Adeline Mallet, Axelle Grélard, Estelle Morvan, Erick J. Dufourc, Birgit Habenstein, J. Iñaki Guijarro, Vishukumar Aimanianda, Antoine Loquet

Proc Natl Acad Sci U S A., 2023, January 31, 120 (6) e2212003120